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Festival de danse de Biarritz

20 ans à aimer le Temps d'Aimer, son ''architecte'' se souvient

Ramuntxo Garbisu

eitb.com

14/06/2010

Entretien avec Jakes Abeberry, à l'origine en 1991 du Festival de danse de Biarritz, dont les débuts ont reposé sur un pari, puis sur des hommes, et aujourd'hui sur son évidence populaire.

Ce n''est pas lui faire injure que de penser que Jakes Abeberry n''a plus besoin de mandat municipal à Biarritz (Pays Basque nord) pour incarner l''artisan toujours très actif des principales manifestations culturelles dont la cité balnéaire peut s''enorgueillir aujourd''hui.

Aux côtés du sénateur-maire Didier Borotra dès son premier mandat en 1991, il a initié une revitalisation de l''art vivant qui se traduit aujourd''hui par l''activité de trois lieux de spectacles proposant chaque année plus de 200 rendez-vous dans cette ville de 30.000 habitants.

Refusant de considérer cela comme un bilan, mais "plutôt comme un constat", l''élu abertzale porte un regard plus particulièrement ému sur Le Temps d''Aimer, cette manifestation annuelle de danse qui fut son premier pari d''homme de culture.

"Au départ, nous avions imaginé une manifestation pluri-disciplinaire, avec le Temps d''Aimer la Danse, le Temps d''Aimer la Musique , etc.... Il n''est resté au final que le volet de la danse, et son nom", se rappelle-t-il d''un sourire.

Le 20ème anniversaire de ce Festival d''envergure internationale, qui sera fêté du 10 au 19 septembre prochain, a incité Jakes Abeberry à livrer à eitb.com quelques "couillonnades" sur sa genèse, sur les hommes qui ont porté ce projet, et sur toutes ces idées "impensables" qui pourraient le voir encore évoluer.

Quoi qu''il en soit, rendez-vous sur le site du Temps d''Aimer pour en découvrir très prochainement le riche programme de sa nouvelle édition, rendue encore plus exceptionnelle encore par sa volonté de ne pas dépasser une entrée à 20 euros pour chacun de ses spectacle...

Un "Coup d''Etat" à Biarritz, et ce Mur de Berlin qui n''en finit pas de tomber...

C''est en mars 1991 que des élections partielles à Biarritz font tomber le Maire de l''époque, Bernard Marie, un "Coup d''Etat" dont Jakes Abeberry ne garde qu''un sentiment de soulagement.

"Avec Didier Borotra, notre constat était que Biarritz était devenue une ville de non-culture, qui ne comptait plus une seule salle de spectacle ouverte, en particulier avec un Casino Municipal en ruines", se souvient-il, "il nous a semblé évident qu''il fallait travailler tout de suite cet aspect".

Sur ce sujet, ses amis et soutiens politiques l''attendaient sur son registre naturel, celui de la danse basque, seule ligne droite imaginable pour ce membre connu de la fameuse compagnie des Ballets et Chants Basques de Biarritz Oldarra.

Mais Jakes Abeberry préféra le contre-pied, avec l''annonce d''un festival de danse... néo-classique et contemporaine, dès le mois de septembre 1991.

"J''avais baigné dans l''esprit de la danse classique, quand, à 20 ans, j''avais eu la possibilité par un ami de rester dans un coin du Conservatoire de Paris, à m''éblouir de tous ces spectacle de répertoire classique. Partant de là, j''ai toujours gardé l''idée qu''il faudrait servir toutes les disciplines de la danse, de la néo-classique, dont je suis un adepte par nature, à la plus contemporaine", explique-til.

Avec la chute du Mur de Berlin moins de 2 ans auparavant, c''est toute la vitalité de la création des pays de l''Est, notamment celui de l''Opéra de Budapest pour la 1ère édition, qui semble pouvoir nourrir son ambition d''un rendez-vous important de la danse à Biarritz.

Bientôt pourtant, il lui faudra se rendre à l''évidence : le désir de prendre son envol ne garantit pas à un poussin de pouvoir tutoyer les étoiles, "j''ai dû hélas renoncer, tant ces artistes hongrois succombaient, jour après jour, aux sollicitations multiples du nouvel Eldorado occidental".

Qu''importe : le succès du lendemain se construira avec ces hommes rencontrés à cette période, "c''est le début des étincelles du Festival".

Ceux qui ont compté sans compter

L''entente sur ce projet est immédiate avec le nouveau Maire de la Ville, Didier Borotra.

"Aujourd''hui encore, même s''il nous est impossible de rivaliser avec les budgets des grands Festivals européens de la Danse, les orientations budgétaires de la Ville ont toujours abordé la question du Temps d''Aimer dans l''unanimité", savoure celui qui en fut longtemps l''Adjoint à la Culture.

Leurs chemins ont désormais divergé, mais pas le respect que Jakes Abeberry porte à Filgi Claverie, le directeur à l''époque de l''association para-municipale Biarritz Culture, avec qui sont portées les premières éditions.

Deux personnes en particulier oeuvrent alors à leurs programmations, de Paul Barrière qui ouvre le Casino à de nombreux danseurs de talent, à Boris Trailine, ancienne étoile de la danse devenu programmateur.

Le "jaillissement" viendra de Victor Ullate qui, avec ses danseurs, "prit une part prépondérante à Biarritz pour façonner sa tonalité classique", se rappelle Jakes Abeberry, qui attend septembre prochain avec l''impatience de le retrouver pour ce 20ème anniversaire.

Et si 1998 est une année inoubliable pour notre homme, cela n''a rien à voir avec la performance sportive de 11 footballeurs en bleu, mais bien en raison de la rencontre décisive avec Thierry Malandain, directeur de la compagnie de danse du "Temps présent" à St Etienne, et que Biarritz, en lui proposant de rester à terre face à l''Océan, aura définitivement pris le Temps d''Aimer.

Très rapidement après, le soutien officiel du Ministère de la Culture renforce l''équipage, la compagnie de Ballet de Biarritz prend son envol, et Maurice Béjart électrise le Festival en y venant créer en public un spectacle de toute beauté, "certainement un déclic pour le public de Biarritz", se rappelle-t-il avec une émotion intacte.

Faire de Biarritz "la ville qui danse"

De toutes ces "étincelles", la plus attendue fut celle du basculement amoureux du public pour cette manifestation.

"Bien entendu, il est facile de penser que, dans la nature humaine, tout le monde chante, danse, et donc que le Temps d''Aimer serait une évidence", sourit Jakes Abeberry qui ne cache pas derrière les rideaux l''imagerie d''une ville "de vieux, de golfeurs et de riches expatriés".

Pour autant, le parti-pris de promouvoir la danse néo-classique ou contemporaine va se révéler un nouveau contre-pied vis à vis des à-priori les plus simplistes.

"Autant pour le théâtre nous avons un public dont la moyenne d''âge est, humm, on va dire supérieure à 60 ans, autant, pour le Temps d''Aimer, c''est un public majoritairement jeune qui s''y presse", savoure-t-il avec la même surprise qu''à ses débuts.

Inviter la création dansée dans des sites comme le Port Vieux, le Jardin Public, s''avère le point fort d''une manifestation rendue lisible dans son émotion, mais également dans son langage.

De fait, Jakes Abeberry l''annonce sans ambages, "la création inaugurale du Ballet de Lorraine au Port Vieux le 10 septembre prochain ? On parie que ce sont plus de 10.000 personnes qui s''y presseront !".

10.000 personnes pour un spectacle gratuit ne pose ici aucune problème d''arithmétique financière, "les moyens du Temps d''Aimer resteront toujours dérisoires par rapport aux grandes manifestations, certes, mais sa réputation de Festival vivant et populaire a largement sa place désormais dans ce paysage artistique-là".

Aimer sans regret, si c''est possible...

N''avoir jamais accueilli la très grande chorégraphe Pina Bausch lui enlève un instant le sourire, "elle ne faisait que de très rares et courtes apparitions en France, et toujours sur Paris", soupire-t-il

Jakes Abeberry n''est pas près pour autant à oublier tous ces noms de chorégraphes, russes, américains, européens, passés ou pas par Biarritz, et les reporter sur cet article n''aurait été possible qu''avec l''assistance de la sténo-dactylo du Ballet de Moscou, dont nous ne disposions pas malheureusement.

Au point où il lui faut répondre à la question de savoir si la danse néo-classique ne fut pas une vocation rêvée, mais contrariée...

"Non, je n''ai jamais imaginé être danseur... Chorégraphe, peut-être, dans le sens où j''aurai aimé mettre en scène des spectacles, et passer jour et nuit à régler leurs moindres détails, jusqu''à ces 600 projecteurs que vous pouvez trouver sur un plateau, et que j''ai eu à régler un jour, il y a bien longtemps maintenant", se rappelle-t-il.

20 ans après les débuts, il aimerait juste que l''histoire du Temps d''Aimer le retienne comme un architecte, "celui qui travaille pour que tout tienne debout".

Une future évolution "totalement impensable" qui lui tiendrait pourtant à coeur, ce serait de faire évoluer le Festival par l''accueil de "7 à 8 compagnies de danse que l''on pourrait accueillir de 3 semaines à 1 mois ici, à Biarritz, pour que l''on puisse en découvrir les créations".

"C''est totalement impensable, parce que la crise est là, et que, de toute façon, tout est restreint aujourd''hui, et l''Etat est complètement fauché", conclut-il.

Avant de prendre congé, Jakes Abeberry se reprend une dernière fois, et ne vous laisse pas repartir sans reprendre sa pensée :&' || 'nbsp; "Disons que ce n''est pas totalement impensable, non, mais bon, je ne sais pas, il faudrait peut-être y penser...".