Contamination radioactive
L'Autorité de Sûreté Nucléaire renvoie Fertiladour à ses manquements
Rédaction
eitb.com
11/11/2011
L'Autorité de Sureté Nucléaire a remis le 3 octobre dernier un avis non favorable à toute reconversion industrielle de ce site du Port de Bayonne, exigeant plus de transparence sur son sous-sol.
Dans le dossier de cessation d'activités de l'ancienne usine Fertiladour du Boucau (zone portuaire de Bayonne), dont les sols sont significativement contaminés par de la radioactivité, l'Autorité de Sûreté Nucléaire a donné un avis non favorable à la reconversion du site, en regard de la décontamination présentée par son propriétaire, la filière Agriva du groupe industriel Roullier.
"La reprise d'une activité industrielle industrielle nécessite une connaissance préalable des niveaux de contamination radiologique des sols", écrit ainsi la plus haute autorité de surveillance nucléaire du territoire français.
Ce rapport, remis le 3 octobre dernier à la Direction Régionale de l'Environnement (DREAL), pointe les "omissions" de l'évaluation fournie par l'industriel, et les manquements aux exigences préfectorales, donnant ainsi totalement raison aux affirmations depuis près de 15 ans du collectif de défense d'environnement CADE, et reprenant sans les minimiser les conclusions alarmantes du rapport de la contre-étude indépendante de l'ACRO, en septembre 2010.
Répondant le 2 novembre dernier à la demande du CADE sur la teneur de ce rapport de l'ASN, la DREAL de Pau répondait que "cet avis sera rendu public, mais pour l'heure il doit être traité en relation avec l'entreprise Agriva, qui doit nous indiquer de quelle façon elle entend le prendre en compte". Une étape qui devait prendre "quelques semaines", mais que la rédaction d'eitb.com est ravie de pouvoir vous restituer avant ce délai.
Aucune parcelle des 7,5 hectares n'est neutre
Pointant en particulier une zone de 25.000 m2 (soit un tiers du site) sur laquelle "il est avéré que la contamination du sol peut atteindre par endroit des niveaux significatifs", tout projet de construction ne pourrait voir le jour qu'en assumant "des mesures très contraignantes" pour cette zone simplement recouverte de cailloux concassés par l'industriel.
Sur le restant du site, soit une zone de 50.000 m2, il n'est pas plus possible pour l'ASN de les considérer comme neutres, "la contamination en profondeur ne peut être exclue", précise le rapport.
L'industriel devra fournir un rapport "plus complet" avant d'en demander 6 millions d'euros pour sa revente
Ce terrain de la zone portuaire de Bayonne, que l'industriel souhaitait vendre au Conseil Régional d'Aquitaine pour la coquette somme de 6 millions d'euros en juin 2009, ne peut aujourd'hui accueillir en l'état la moindre reprise d'activité industrielle.
Sur intervention du groupe Europe Ecologie Les Verts, l'acquisition de ce site avait été repoussée tant que n'étaient pas connues les conclusions de l'étude indépendante de l'ACRO, elles-même soumises à l'avis de l'ASN.
A la demande de cette dernière, l'industriel, qui n'a eu de cesse depuis 1997 de minimiser "des traces de pollution" par "de la radioactivité naturelle", devra donc présenter un nouveau rapport, faisant figurer cette fois-ci la caractérisation en profondeur des terres encore contaminées (estimées à près de 10.000 m3), ainsi qu'un scénario plus plausible de reconversion industrielle, que l'industriel se contente de mentionner sans aucune justification.
Toutes les personnes qui se sont opposées à la volonté de l'industriel de "quitter le site" seront également rassurées de savoir que l'ASN s'interroge aussi sur l'impact dosimétrique de cette contamination radioactive sur la population riveraine.
Et conclut : "Le public devra être informé des démarches d'évaluation des risques conduits sur ce site".
"Les objectifs d'assainissement, par certains endroits, n'ont pas été atteints"
Depuis 1998, une double obligation préfectorale s'imposait à l'industriel, à savoir une taux de radiation inférieure à 0,5 µSv/h sur l'ensemble du site et une activité massique inférieure à 5 becquerel par gramme de terre (Bcq/g).
Si les écarts entre l'ACRO et le cabinet de l'industriel de mesure de la première exigence ne sont pas jugés "significatifs", estime l'ASN (que "le choix du maillage retenu par chaque organisme peut expliquer"), l'ASN pointe par contre le fait que "les objectifs d'assainissement n'ont pas été atteints par endroits" et qu'il convient donc d'y revenir.
Sur la caractérisation des terres par leur activité massique, l'ASN valide pleinement les conclusions de l'ACRO sur le fait que, avec des mesures de plus de 300 Bcq/g, Fertiladour présente aujourd'hui encore "des valeurs très éloignées de l'exigence préfectorale du 20 avril 2000" qui demandait que soient excavées toutes les terres contaminées supérieures à 5 Bcq/g.
Le "bouclier de confinement" est insuffisant
Historiquement, 5 zonages avaient fait apparaitre depuis 1997 la présence de terres fortement contaminées par la radioactivité du thorium (par broyage d'une terre rare, la monazite, entre 1973 et 1992), caractérisées par une activité massique de plus de 500 becquerel par gramme de terre (soit la radioactivité aujourd'hui constatée à 40 km de la centrale japonaise de Fukushima).
Trois arrêtés préfectoraux entre 1997 et 2000 avaient pour objet de contraindre l'industriel à décontaminer le site de 75.000 m2, notamment par l'excavation des terres les plus contaminées, mais, aujourd'hui, pour l'ASN, le compte n'y est pas.
L'ASN considère que le confinement constitué de quelques centimètres de gravats, mis en place sur 25.000 m2 sur les zones les plus contaminées (et qualifié de "maquillage des terres" par le CADE en avril 2009), est susceptible de se dégrader dans le temps, et n'est pas la solution à apporter pour l'assainissement durable du site.
"Dans la mesure où toutes les terres contaminées n'ont pas été excavées, la situation radiologique du site risque de se dégrader avec une éventuelle dégradation du confinement mis en place", précise le rapport.
Dans les omissions du rapport de l'industriel est pointé également le risque représenté par le radon, un gaz radioactif à l'état naturel généré par la présence de radionucléides dans les sols.
"Par rapport au radon, même une décontamination plus poussée devra être assortie de mesures permanentes pour tout projet de construction", précise le rapport, "tout nouveau bâtiment qui serait construit sur le site devrait l'être selon les règles de l'art vis à vis du risque radon".