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Dossier

Chronologie du processus de paix au Pays Basque

Frederik Verbeke

16/02/2018

Voici une brève chronologie des événements importants depuis le dernier cessez-le-feu déclaré par la bande armée ETA.

Le processus de paix au Pays Basque est passé à une vitesse supérieure. D'importantes avancées se sont produites ces dernières semaines, alors que San Sebastian (Donostia) devait accueillir ce lundi 17 octobre une Conférence internationale de paix, en présence de Kofi Annan et d’autres personnalités de grande renommée.

Voici une brève chronologie des événements importants depuis le dernier cessez-le-feu déclaré par la bande armée ETA.

ETA annonce qu'elle ne mènera plus d'"actions armées offensives"

Le 5 septembre 2010, l'ETA annonce, dans un enregistrement vidéo remis à la chaîne britannique BBC, qu'elle "ne mènera plus d'actions armées offensives", sans spécifier toutefois s'il s'agit d'une trêve temporaire ou définitive.

Après l'annonce, les lignes politiques ne bougent pas. Le président de la Communauté autonome basque, Patxi Lopez, ne voit aucune "avancée significative" dans l'annonce de l'ETA. Même son de cloche à Madrid.

Pour la gauche abertzale (indépendantiste), par contre, "des portes se sont ouvertes, qui permettent de dépasser les blocages actuels", la décision de l'ETA constitue un élément d'"une valeur incontestable pour l'instauration de la paix et la consolidation d'un processus démocratique". Quelques jours plus tard, le parti indépendantiste basque Batasuna, mis hors-la-loi depuis 2003 pour ses liens présumés avec l'ETA, réclame sa légalisation, mais Madrid s'y refuse.

Les gouvernements basque et espagnol maintiennent leur politique antiterroriste. Malgré le cessez-le-feu, les opérations policières continuent. Le 14 septembre, neuf membres présumés de l'organisation Ekin, considérée comme "le coeur et les entrailles" de l'ETA par la justice espagnole, sont arrêtés.

 

Appel à la médiation internationale

Le 19 septembre, l'ETA appelle à la médiation internationale et s'engage, dans un nouveau communiqué, en faveur de la Déclaration de Bruxelles, une déclaration qui demandait à l'ETA de déclarer "un cessez-le-feu permanent et vérifiable" et à l'Etat espagnol d'agir en conséquence. Présentée fin mars, cette déclaration avait été signée par différentes personnalités internationales.

Si le communiqué de l'ETA est de nouveau qualifié d'"insufissant" et d'"inutile" par les autorités espagnoles et basques, le secteur indépendantiste et la communauté internationale se montrent moins sceptiques et annoncent de nouvelles initiatives pour avancer vers la résolution du conflit.

 

Accord de Gernika

Le 25 septembre, plusieurs partis de la gauche indépendantiste, syndicats et mouvements nationalistes, signent à Gernika un accord qui demande à l'ETA "un cessez-le-feu permanent, unilatéral et vérifiable par la communauté internationale, comme expression de la volonté d'un abandon définitif de la lutte armée". Cet accord sera considéré par de nombreux agents socio-politiques comme une "référence" permettant d'avancer vers une solution pacifique du conflit basque.

Le lendemain, l'ETA se dit disposée à un cessez-le-feu "permanent et vérifiable", tout en énumérant une série de conditions. Le gouvernement et la plupart des partis politiques, par contre, exigent un abandon définitif des armes, sans conditions et de manière vérifiable.

Les opérations policières contre la mouvance de l'ETA se poursuivent. Sept membres présumés de l'organisation internationaliste Askapena et trois membres présumés de l'ETA sont arrêtés quelques jours plus tard, alors qu'un vaste coup de filet est mené le 22 octobre contre le mouvement de la jeunesse radicale Segi.

 

Avancées sur le plan politique et sur le plan international

Si à la mi-octobre, le président de la Communauté autonome basque, Patxi Lopez, assure, lors d'un entretien télévisé sur ETB, que Batasuna pourra se présenter aux élections si elle définitivement avec l'ETA, à la fin du mois, Batasuna annonce qu'elle envisage la création d'un nouveau parti politique. Néanmoins, tout dialogue avec la gauche abertzale interdite reste un sujet à polémique.

En novembre 2010, l'avocat sud-africain Brian Currin, qui avait présenté au mois de mars la Déclaration de Bruxelles, assure que l'ETA annoncera un cessez-le-feu "définitif, unilatéral et vérifiable" avant la fin de l'année et, vu le refus du gouvernement, il propose que les médiateurs du Groupe international de contact (GIC) s'occupent de vérifier le cessez-le-feu. Or, Madrid rejette la médiation offerte par Currin.

Fin novembre, la gauche abertzale annonce la création prochaine d'un nouveau parti en substitution au parti indépendantiste basque interdit Batasuna. Les statuts de ce nouveau parti politique seraient élaborés "en conformité" avec la "Loi des partis" qui a conduit à l'interdiction de Batasuna en 2003.

 

ETA annonce un cessez-le-feu "permanent et vérifiable"

Le 10 janvier 2011, l'ETA annonce un cessez-le-feu "permanent et vérifiable" et se dit en accord avec la Déclaration de Bruxelles, mais ne mentionne pas l'abandon de la lutte armée ou sa dissolution, comme l'exige le gouvernement espagnol. Si pour ce dernier l'annonce est toujours "insufissante", Brian Currin la qualifie très positivement et y voit "un pas important".

Moins de 24 heures plus tard, deux collaborateurs présumés de l'ETA sont arrêtés.

 

La mise hors-la-loi de Sortu

Début février, la gauche abertzale présente son nouveau parti, Sortu, qui "rejette et s'oppose à toute violence, y compris celle de l'ETA". À la fin du mois, des milliers de personnes battent le pavé pour réclamer la légalisation de Sortu. Or, Madrid demande l’illégalisation de Sortu et fin mars, le Tribunal suprême refuse l'inscription en tant que parti politique de Sortu, ce qui lui empêchera de participer aux élections locales de mai. Selon le Tribunal, Sortu serait le "déguisement de l'ETA".

Malgré l'interdiction de Sortu, une partie importante de la gauche indépendantiste participera aux élections locales grâce à la formation d'une nouvelle coalition, Bildu.

À la mi-avril, deux membres présumés sont arrêtés en France, et deux autres en Gipuzkoa.

 

Fin de l'impôt révolutionnaire

Fin avril 2011, la bande armée annonce la fin de l'impôt révolutionnaire, qui a été une des principales sources de revenus de l'ETA.

 

La coalition indépendantiste Bildu crée la surprise aux élections

La coalition indépendantiste Bildu, autorisée par le Tribunal constitutionnel à participer aux élections locales, crée la surprise le 22 mai en devenant la deuxième force politique du Pays Basque. Bildu prend les rênes de la ville de San Sebastian et du territoire de Gipuzkoa.

La victoire électorale de Bildu sera saluée par l'ETA, qui se dit décidée à "aller plus loin sur le chemin entamé", dans un nouveau communiqué début juillet.

 

Les prisonniers signent l'Accord de Gernika

Au mois de septembre 2011, le Collectif des prisonniers politiques basques (EPPK) annonce son intention d'adhérer l'Accord de Gernika. Présenté le 25 octobre 2010, cet accord demande la fin des attentats de la bande armée ETA, notamment "un cessez-le-feu permanent, unilatéral et vérifiable".

En même temps, les prisonniers ont réclamé qu'on leur applique "de façon immédiate et sans contreparties les droits qui leurs appartiennent".

Le "Plan pour la paix" de Patxi Lopez

Quelques jours plus tard, le président de la Communauté autonome basque, Patxi Lopez, présente au Parlement basque son "plan pour la paix" qui envisage, entre autres, un "rapprochement progressif des prisonniers basques" à condition que la bande armée abandonne les armes de façon "définitive et inconditionnelle".

 

Dissolution d'Ekin

Début octobre, l'organisation indépendantiste Ekin, qualifiée par la justice espagnole comme l'appareil politique, voire "le cœur", de l'ETA, décide de s'autodissoudre.

Selon la justice espagnole, l'organisation Ekin, créée en 1999, était la structure politique de l'ETA, chargée de l'organisation et de la diffusion des directives de la bande armée, de la stratégie concernant la violence urbaine ("kale borroka") et du financement de la bande armée. La justice espagnole avait condamné en décembre 2007 des membres d'Ekin et d'autres organisations de la mouvance d'ETA à des peines allant jusqu'à 24 années de prison, peines réduites ensuite en 2009 par le Tribunal suprême.

 

ETA prête à collaborer avec la Commission de vérification

Le même jour, la bande armée annonce à travers un communiqué qu'elle est prête à collaborer avec la Commission internationale de vérification du cessez-le-feu, créée quelques jours auparavant, et appelle les gouvernements français et espagnol à reconnaître cette commission.

Les partis politiques ont réagi de façon habituelle au dernier communiqué de l'ETA. D'un côté, le Parti socialiste et le Parti populaire, ainsi que les conservateurs du Parti nationaliste basque, l'ont qualifié d'insuffisant et réclament l'abandon définitif des armes. De l'autre côté, des partis indépendantistes de gauche ont salué la décision de l'ETA et ont demandé à Madrid d'accepter la Commission de vérification.

 

Conférence internationale de paix à Donostia

Le lundi 17 octobre, le processus de paix au Pays Basque a franchi une étape cruciale à l'occasion d'une Conférence internationale de paix qui a réuni à San Sebastian (Donostia), entre autres, l'ancien secrétaire général de l'ONU et prix Nobel Kofi Annan, le président du Sinn Fein, l'Irlandais Gerry Adams, l'ancien premier ministre irlandais Bertie Ahern, l'ancien ministre français de l'Intérieur Pierre Joxe, l'ancienne première ministre norvégienne, Gro Harlem Brundtland, et l'ancien chef de cabinet de Tony Blair, Jonathan Powell. Tous des experts en désarmement et en résolution de conflit.

Jamais auparavant, des personnalités internationales d'une telle envergure se sont impliquées de façon aussi significative dans le processus de paix. La Conférence de paix était censée marquer une avancée significative vers la résolution du conflit basque.

Voici l'intégralité de la déclartion finale lue à l'issue de la Conférence, dans laquelle on demande à l'ETA un cessez-le-feu définitif et aux gouvernements d'entamer le dialogue.