Arrestation
Aurore Martin incarcérée à Madrid: condamnation des élus basques
Rédaction
02/11/2012
Le juge a envoyé Aurore Martin en prison inconditionnelle, sans possibilité de libération sous caution. Elle restera en prison jusqu'à son procès.
Your browser doesn’t support HTML5 video
La militante basque Aurore Martin a été incarcérée vendredi à Madrid, après avoir été extradée vers l'Espagne par les autorités françaises. Son extradition a provoqué l'incompréhension et l'indignation au sein de la classe politique du Pays Basque nord.
Aurore Martin a été arrêtée dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen émis en 2010 par l'Espagne. Les autorités espagnoles l'accusent d'avoir participé à des conférences de presse et écrit des articles d'opinion au nom de Batasuna, parti interdit en Espagne, mais légal en France. La jeune militante risque 12 ans de prison en Espagne.
Après avoir été présentée à l'Audience nationale, la plus haute instance pénale espagnole, le juge a envoyé Aurore Martin en prison inconditionnelle, sans possibilité de libération sous caution. Elle restera en prison jusqu'à son procès. Selon le juge, il existerait un "risque évident et fondé de fuite et de soustraction à la justice".
De nombreux élus, de toutes les forces politiques, ont durement critiqué l'arrestation et l'extradition d'Aurore Martin. Pour la première fois, la France livre une militante basque de nationalité française à l'Espagne pour ses engagements politiques.
Seize élus basques du Parti socialiste, dont plusieurs députés et conseillers généraux, ont condamné ce vendredi l'exécution du MAE. "Nous rappelons que les faits visés par l’Espagne ne sont pas répréhensibles en France : appartenance à un parti politique légal en France et participation à des manifestations publiques," soulignent-ils dans un communiqué et demandent "le retour immédiat" d'Aurore Martin.
En juillet 2011, François Hollande avait, lui aussi, manifesté son soutien à Aurore Martin en réclamant une issue "favorable" et demandant la clémence (écoutez ses déclarations, enregistrées par France Bleu Pays Basque).
"Ce que Sarkozy et Guéant n'avaient pas fait, Hollande et Valls l'ont fait," a dénoncé Batasuna ce vendredi matin, lors d'une conférence de presse. Batasuna accuse Manuel Valls d'avoir rompu "l'accord tacite" de ne pas appliquer le mandat d'arrêt européen à Aurore Martin.
Max Brisson, conseiller général UMP, a également réaffirmé son "indignation" et sa "grande inquiétude". "Si j'ai toujours combattu les thèses politiques d’Aurore Martin, j’ai également déclaré depuis le début que le mandat d’arrêt européen était utilisé, en l'espèce, de manière disproportionné par rapport aux faits incriminés parce qu’elle est une citoyenne française et que les faits qui lui sont reprochés en Espagne ne sont passibles d'aucune peine en France," a-t-il rappelé ce vendredi dans un communiqué.
Max Brisson attend que les élus socialistes du Pays Basque "obtiennent au plus vite que le gouvernement qu’ils soutiennent mette un terme à des attitudes brutales vis-à-vis du Pays basque qui en se cumulant en peu de temps risque de provoquer des tensions dont le gouvernement socialiste et ses représentants locaux seront les seuls responsables".
"On ne peut pas avoir aujourd’hui une posture offensée à Bayonne et se soumettre à Paris alors que le ministre de l'Intérieur enfonce le clou en se réjouissant officiellement de l'arrestation de la militante abertzale," a-t-il ajouté, en demandant aux élus socialistes basques de "clarifier leurs positions et se rappeler les promesses qu'ils tenaient durant les campagnes électorales des cantonales et des législatives".
"À défaut de cette clarification, les beaux discours du PS des Pyrénées-Atlantiques s’apparenteraient à du cynisme pour ne pas dire à du machiavélisme," a-t-il conclu.
Dans un communiqué intitulé "Que cherche Manuel Valls?", Europe Ecologie Les Verts (EELV) Pays Basque s'est dit "choqué" par l'attitude de Manuel Valls concernant le Pays Basque et "s'inquiète de voir pratiquer une répression que rien ne justifie dans le climat actuel".
"Alors que les élus de tous bords, au-delà des clivages politiques, et la Société Civile s'allient à la fois pour travailler à l'avenir du territoire et pour rendre pérenne la paix rendue possible par le dépot des armes de ETA, Monsieur Valls semble vouloir créer la discorde en entretenant sciemment l'amalgame et la confusion", ont-ils dit, en faisant référence aux déclarations polémiques réalisées par Valls en début de semaine.
Pour Olivier Dartigolles (Parti communiste), "le Gouvernement Ayrault vient d’écrire une page déshonorante pour notre pays". "Le Parti communiste exprime son indignation et appelle l’ensemble des républicains à exprimer leur condamnation," a-t-il ajouté.
Le mouvement altermondialiste basque Bizi a dénoncé "avec la plus grande fermeté" l'extradition et l'incarcération d'Aurore Martin. Le mouvement a qualifié la décision d'"inacceptable pour tout démocrate conséquent, dangereuse pour les libertés publiques et profondément inquiétante pour toute personne sincèrement attachée au processus de paix qui tente de faire son chemin en Pays Basque".
Quant aux déclarations polémiques de Manuel Valls du lundi dernier, le collectif a dénoncé que "la position de M. Manuel Valls est ubuesque, anti-démocratique et anti-républicaine ! Beaucoup auraient demandé la démission d'autres ministres pour moins que ça !"
Le 10 novembre prochain, une manifestation aura lieu à Bayonne en faveur du respect des droits des prisonniers basques. De nombreuses organisations politiques, syndicales et associatives ont appelé à y participer.
Retrouvez d'autres réactions dans notre article antérieur sur l'extradition d'Aurore Martin.